Par Nico Flow
Il y a avait une fois, au sein d’un monastère, un vieux maître enseignait la voie du milieu à une communauté d’élèves, tous aussi assidus et volontaires les uns que les autres. Ensemble, ils partageaient leurs repas et les pratiquants du noble sentier octuple ne manquaient pas de remarquer que chaque jour, leur maître changeait de place à chaque repas, sans raison particulière. Un matin sur un banc, un midi sur un autre, un soir sur l’herbe, un autre sur une souche de bois, parfois sur une chaise et parfois même debout. Cette étrangeté piquait la curiosité des élèves mais aucun n’osait déranger leur maître pendant un moment aussi calme. En effet, ils avaient souvent coutume de manger dans le plus grand silence, appréciant ainsi les sons de la forêt, l’odeur de leur plats, et le goûts des aliments, toujours très sensibles à leurs ressenti intérieur.
Vient un jour où un étudiant, des plus curieux, vint briser ce silence d’or afin d’interroger l’instructeur. Il s’approcha de lui sur la pointe des pieds et dit :
« - Maître, veuillez me pardonner de vous déranger … j’aimerai vous poser une question que je ne peux plus retenir …
L’homme se retourna, sans paraître offensé, ni surpris.
- Parle donc.
- Pourquoi chaque jour, à chaque repas, vous asseyez-vous à une place différente, alors que nous avons un banc et une table des plus confortables ?
- Te souviens-tu de la fois où nous avons discuté des habitudes, des rituels ?
- Oui, ils nous créent des attachements et nous pouvons générer des émotions négatives s’ils venaient à manquer, c’est pour cela que l’ont doit se garder d’en créer.
- C’est cela. Je vois bien que vous prenez l’habitude de vous asseoir à chaque repas, à la même place. Penses-tu que cela puisse te créer un attachement ?
Le disciple réfléchi
-Si quelqu’un venait s’asseoir à ma place, j’en prendrai une autre, voilà tout.
- Et si je gravai ton nom sur la place, ne te sentirai-tu pas fier de t’y asseoir ?
- Si, ce serait un honneur.
- Et alors, si quelqu’un s’assoit sur ta place, où ton nom est gravé, avec de belles lettres et reliefs minutieux, cela te sera-t-il égal ?
- Peut être pas …
- Alors vois-tu, en choisissant la même place chaque jour, c’est comme si, inconsciemment, tu y gravais ton nom.
- Je comprends maître … mais quelque chose ne colle pas …
Le maître fut surpris, aurait-il commis une erreur dans ces actes qui soit en désaccord avec ses paroles ? Il attendait les paroles de son disciple, qui paraissait les chercher et les sélectionner rigoureusement. Malgré sa gêne, le jeune reprit.
- Maître, si les habitudes ne sont pas bonnes, alors vous aussi vous vous attachez à un rituel. A chaque repas, je vois bien que vous utilisez toujours le même bol de bois, cela est en contradiction avec vos propres propos !
Le jeune élève semblait fier de sa répartie, la maître quant à lui était fier de son élève, mais il n’en montrait pas un signe.
Vois-tu, lorsque je mange dans ce bol, je me rappelle chaque fois l’importance de ne pas prendre d’habitude. C’est pour ça que je prends toujours ce même bol.
L’élève était effaré, cela n’avait aucun sens, il allait se vexez lorsque le maître lui tendit le bol, un regard d’enfant, malicieux, sur le visage. L’élève pris le bol et regarda à l’intérieur, il lut alors une phrase qui était gravée au fond, avec de belles lettrines et des reliefs minutieux : « ne prend jamais d’habitudes ».
Le maître, alors, repris son plat, souriant, pendant que l’élève repartait s’asseoir, méditant sur l’astuce de son vénérable enseignant.