Lors de son interview à la RTS en 2019, Greta, devenue activiste mondialement reconnue et lauréate du prix Nobel de la paix, avait reconnu être autiste asperger. Elle confie sa vision des choses : « Avec les bonnes circonstances, j'ai pu inverser la situation. Et au lieu que ce soit une faiblesse, j'en ai fait une force. Ça me rend différente des autres. Je pense hors du cadre habituel et c'est nécessaire pour voir ce qui se passe avec notre système actuel. Sans cela, je n'aurais pas eu le temps ni l'énergie pour passer des milliers d'heures à lire sur ce sujet. »
J'entends toujours plus de parents d'atypiques, confus ou désespérés : « Mon fils n’arrive pas à se concentrer, j’ai des gros problèmes avec l’école et pourtant je sais qu’il fait de son mieux » ; "Il ne se lève pas du lit, refuse d'aller à l'école. Mais sa sœur est prête elle, et puis moi j'ai des horaires. Comment je fais ?" ; « Ma fille est trop exigeante, elle se met la barre trop haute, je ne sais plus comment l’aider, comment faire ? ». C'est vrai, comment on fait ? Lorsqu'on fait de son mieux pour donner à nos enfants le meilleur, ou au moins ce qu'on croit être le meilleur et que pourtant, cela ne suffit pas ?
Imaginez-vous, 2015, une jeune adolescente souffre de dépression, penser à l'avenir de la planète et aux crises écologiques devient trop lourd pour sa conscience. Elle arrête de manger et de parler, même de rire. Ses parents sont inquiets. A 15 ans, elle fait la grève devant son école (contre la volonté de ses parents) pour protester contre ce monde d'adultes qui ne font rien face au dérèglement climatique. Un an plus tard, elle est propulsée devant l'ONU, les télévisions du monde, avec un message : « Il nous faut une nouvelle façon de penser ! ». Bien sûr, les parents sont là pour protéger leur enfant. Bien sûr qu'il est horrible de voir son enfant souffrir, de le voir arrêter de manger. Ses parents avouent "Ce fut l'ultime cauchemars". Pourtant, son père et sa mère ont adoptés un mode de vie plus écologique, suivis les intérêts de leur fille, l'ont accompagné en bateau aux sommets du climat, ils sont devenus végan. Est-ce que cela les a rendus moins inquiets ? Ils confient : "Nous savons que c'était ce qu'il fallait faire, mais nous ne l'avons pas fait pour sauver le climat, mais pour sauver notre fille." Pour finir, son père reconnait "Elle est beaucoup plus heureuse maintenant, elle a changé depuis qu'elle milite". C'était en 2019.
Surtout, elle vie selon sa pulsion de vie. Son propre rythme, au top de son potentiel. Qui pourrait empêcher cela ? Demain sera ce qu'on en fait, chacun, individuellement. Cela paraît utopique mais c’est une réalité : notre quotidien est fait de la somme de ce que, ensemble, nous faisons.
Nous avons tous un chemin et des capacités qui nous sont propres. En prenant ce qui nous semble être notre « devoir » de faire, alors on se réalise. Quel devoir ? C’est une intuition bien personnelle, j’ai ressenti le besoin d’accompagner les enfants, certains les adultes, certains étudient les plantes pour mieux les protéger, d’autres soignent des animaux maltraités, certains écrivent des récits pour imaginer de nouveaux futurs possibles sur Terre, d’autres, comme Mahatma Gandhi, voyagent à pied pour libérer leur pays de l’emprise colonialiste. Une histoire raconte qu'un journaliste voulait poser une question à Gandhi alors que son train partait "Monsieur ! S'il vous plaît, donnez-moi un message pour mon peuple", il lui donna un papier "Ma vie est mon message". Sobre, simple, et pourtant si profond : c’est l’exemple de son action qui est la meilleure transmission qu’il puisse laisser à l’humanité. Son monde intérieur, il ne le confie pas, mais la légende raconte qu’à son assassinat sa dernière parole fut le mantra qui l’a accompagné toute sa vie durant : « Ram Ram ». Un mantra pour rester centré sur la volonté divine qui le traversait et le poussait à agir le plus droitement possible.
La seule chose qu'on peut revendiquer, c'est ce qu'on fait. Gandhi se voulait un simple homme, mortel, insignifiant, mais cette force qui l'a poussé à aller aussi loin, qu'elle est-elle ? Est-ce la même que Greta ? Ces deux personnages ne reculent devant rien, et cela résonne avec mon parcours de vie. Mais surtout, cela résonne avec les comportements des atypiques que je rencontre, de tout âge. Alors écoutons-les, respectons leurs avis, honorons leur parcours, aussi tumultueux soit-il.
La question reste : "Est-ce que je veux que mon enfant ait une vie normale, ou une vie qui lui correspond ?". Je suis un homme sans enfant. J'écris car c'est ce que j'aime. Peut-être parce que les parents n'ont plus le temps d'écrire, eux, ou de penser en dehors des cases ? Si un jour j'en ai, je n'aurais peut-être ni l'envie ni le temps d'écrire. Mais tant que je peux porter la voix de ceux qu'on n’entend pas, je fais ce qui me semble juste. C'est, pour moi, ma certitude. Comme Greta, je me demande : qu'est-ce qu'on fait ?
J’ai effectué une expérience pour approfondir cette question : « Est-ce que la meilleure connaissance des neuro-divergences aide ? ». Je suis allé voir l’évolution des recherches google avec certains mots-clés. Les recherche Google de "HP" et "enfant précoces" réduisent depuis 2021 et ceux de TDAH montent, cela prouve pour moi qu'il y a de plus en plus d'enfants inadaptés, de parents qui n'en peuvent plus, mais surtout je crois qu'on pointe le problème de l'enfant sans le comprendre, au lieu de voir son mal-être comme une réponse naturelle au manque d'expression de sa vérité, de son potentiel. Aux USA, la recherche "gifted kids burnout syndrome" bat des records : ces enfants qui ne peuvent exprimer leur potentiel explosent (leurs parents aussi) ! On enferme de plus en plus les enfants dans des étiquettes d’inadaptés, au lieu de voir que c’est l’environnement qu’on leur offre qui n’est pas adéquat. Et plus ils sont inadaptés, plus ils sentent un besoin de se révolter pour le faire savoir : « Ce n’est pas normal ! » « Qu’est-ce que vous nous faites subir ?! ».
A côté de ça, j’anime toujours des activités avec des enfants, de tous les âges, de toute condition, de toute classe sociale. L’environnement paisible, démocratique, libre que j’offre, efface quasiment tous ces troubles. Il faut un temps d’adaptation, mais le flow arrive à chaque fois : chaque enfant trouve l’espace, l’activité, le mouvement, la relation qui le nourris et le fait se sentir bien, apaisé, dans son flux naturel. Comme Gandhi, peut-être que de montrer aux adultes que c’est possible, cet environnement de joie et d’épanouissement, sans conflits, sans frottements, est déjà le meilleur que je puisse offrir ? Et vous, qu’avez-vous à offrir à l’humanité ?
Nicolas Delarose - Juillet 2024
Réflexion vraiment très intéressante. Merci beaucoup.