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La communication non-violente, c'est pour les enfants ?



On parle de plus en plus de CNV dans le monde des adultes, mais comment l'utiliser avec les enfants ? Je vous partage mon expérience et quelques pistes !


Introduction : Rendre l'enfant anti-fragile


Alors que j'écris ces lignes, une enseignante me raconte sa frustration face aux parents qui ne tolèrent pas qu'on reprenne leur enfant, qu'on les gronde ou les punissent, et leurs raisons sont compréhensibles : ils aiment leur enfant. Mais aimer, est-ce protéger de toute difficulté ?


Selon cette enseignante, et d'autres témoignages que j'ai entendu, nous sommes dans un monde où l'enfant est trop considéré comme un adulte : il devrait être responsable, entendu, respecté, malgré ses écarts et ses enfantillages ; il faudrait tout lui expliquer, le sens des choses et des consignes, ne jamais lui dire "non", négocier et argumenter toute décision. Et si vous ne le faites pas, vous avez droit (de nos jours) à un e-mail de 2 pages et 3h de téléphone pour vous justifier de votre posture, voire de vos erreurs.


Même si je critique les méthodes de l'école conventionnelle, je suis sur ce point d'accord avec cette enseignante. Si vous voulez que votre enfant soit éduqué exactement comme vous en avez envie : faites l'instruction en famille ! Si vous voulez absolument poursuivre votre épanouissement personnel et professionnel, alors il faut accepter que les autres membres de la tribu apportent leur grain de sel, leur personnalité, leur méthode propre. Je suis conscient du défi, car nous avons tous tendance à revivre notre enfance à travers les enfants qu'on accompagne, et nous voulons les protéger, mais nous devons différencier ce qui les fragilise de ce qui le rend anti-fragile. Exposer l'enfant à un stress qu'il ne peut pas gérer (comme brancher un appareil 300 W sur une prise 120 W, ça pète), sans adulte sécurisant pour l'accompagner, c'est le fragiliser ; permettre des micros-frustrations avec l'accompagnement d'un adulte sécurisant qui peut l'accueillir en cas de besoin, c'est le rendre anti-fragile.

"Si par exemple un enfant ne se trouve jamais dans la situation frustrante de ne pas savoir faire, la notion même de progrès et d’apprentissage n’existe pas. En réalité, une éducation «zéro frustration» se ramène à une absurdité: il faudrait transporter l’enfant sans le laisser tenter de marcher, lire par-dessus son épaule à l’école primaire, lui tenir la main pour qu’il forme ses premières lettres, bref, tout faire à sa place, l’antithèse de l’éducation !" Source https://ligue-enseignement.be/lanti-fragilite-tout-ce-qui-ne-tue-pas-rend-il-plus-fort

Et la CNV dans tout ça ? J'y viens.


De la violence à la non-violence


Je suis 100% contre les VEO (violences éducatives ordinaires) que sont les menaces, humiliations, chantage, moqueries, qu'utilisent encore de nombreux parents pour se faire obéir. Lorsque j'entends cela, mon corps entier se crispe, c'est une horreur pour moi. Les VEO, si elles ont un effet temporaire et très court terme de discipline, provoquent de la fragilité. Elles sont aussi néfastes, à mon sens, que les notes, car ce sont des motivateurs qui viennent de l'extérieur. Instaurer une atmosphère de compétition ou d'obéissance créée, pour 3/4 des cas, une blessure dans l'estime de soi qui pourra durer toute une vie. On aimerait que l'enfant nous suive par plaisir, parce qu'il nous aime, car nous représentons une autorité de compétence. On aimerait qu'il apprenne et travaille par plaisir, par volonté, par désir de grandir. La question est : Comment faire cela ?


J'ai beaucoup évoqué la pédagogie du Flow, qui vise à créer des situations qui provoquent chez l'enfant une concentration spontanée et une profonde satisfaction. Mais lorsqu'il y a désaccord, conflit, ou lorsqu'une émotion forte apparait, comment rester dans le flow ?


C'est là que la CNV (communication non-violente) sera utile. Qu'est-ce que la CNV ? C'est un processus, ou une méthode, qui nous permet d'intéragir en respectant les besoins de chacun. Lorsque je voudrais forcer un enfant à faire quelque chose contre son gré, j'aurais une attitude violente car j'irai contre les besoins de cet enfant (comme la liberté, l'autonomie, le besoin de sens...). Mais pourquoi est-ce violent ? Car le système nerveux de l'enfant n'est pas prévu pour obéir, mais pour suivre et imiter par attachement. On a d'ailleurs remarqué, chez certains peuples premiers, qu'aucun adulte ne se permettait de dire à un enfant ce qu'il devait faire : ils avaient 100% confiance en son discernement et sa bonne volonté. Donc, lorsqu'on force un enfant, on créé chez lui un traumatisme qui, ajouté à des centaines d'autres, le rendra certes sage et obéissant, mais aussi névrosé, fragile et dissocié de ses émotions.


La CNV pour les enfants. Pas si simple.


Lorsqu'on parle de CNV, on parle beaucoup d'émotions, et c'est vraiment un problème : les émotions c'est à la mode, mais ce n'est pas suffisant ! Lorsqu'un enfant cible son émotion, qu'est-ce qu'il fait après ? - (vide) - C'est comme lui dire qu'il est HP ou TDAH, cela ne lui sert à rien (sauf si baigne dans les concepts psychologiques depuis sa tendre enfance). Parler d'émotions ou de neuro-diversité sera au mieux inutile, au pire cela provoquera de la confusion. Nous devons guider l'enfant avec des mots qu'il comprend, en évoquant des situations qu'il vit concrètement. Pour cela, j'utilise moi-même le monstre des émotions avec les enfants, pour les sensibiliser avec un outil qu'ils connaissent déjà, mais j'utilise cet outil pour aborder le sujet des besoins, et apporter de l'empathie.


Le processus de CNV, tel qu'on le connait, peut sembler théorique : on évoque des faits - on parle de son émotion - on identifie le besoin - on effectue une demande. Lorsqu'on ne fait que demander "Qu'est-ce que qu'il s'est passé ?", on ne fait que 1/4 du processus, et en s'intéressant à l'émotion, nous ne faisons que la moitié ! Connaître le besoin permettra de recadrer le groupe, d'aider l'enfant, de conseiller, d'épauler, de modifier les règles, ou parfois de ne rien faire : de mon expérience, lorsqu'un enfant peut se déposer de cette manière, son émotion passe en quelques secondes. Mais, idéalement, on cherche à faire une demande, comme "Voudrais-tu que je te laisse seul ?" ou "J'aimerais que tu écoutes ce que j'ai à dire".


Rappelons-nous que si nous aimons comprendre les émotions pour gagner en intelligence émotionnelle, l'enfant se fiche de connaitre ses émotions théoriquement : il a envie de les vivre !


Mardi dernier, j'ai animé une activité de théâtre des émotions avec 15 enfants de 6-7 ans. Nous avons parlé des émotions en s'amusant, mais aussi sérieusement, mais sous forme d'un jeu ! Lorsque ce n'était plus un jeu ( que ce soit de bouger, de répéter, de faire semblant, de deviner ...), ils ont décroché, mais j'avais aussi envie que les adultes accompagnants captent le message. Quel message passe-t-on avec la CNV ?


Pas d'émotion sans empathie ni besoins


Agir avec empathie, c'est s'efforcer de comprendre l'autre sans le juger, pour qu'il puisse se déposer en sécurité. Pour ce faire, j'ai inventé ce jeu de groupe que j'ai essayé mardi : Assis en cercle, nous nous sommes passé des balles de couleur, chacune représentant une émotion : rouge pour la colère, bleu pour la tristesse, jaune pour la joie... Et nous avons joué ce processus :


1) Jouer une émotion -> Lorsqu'on avait la balle dans la main, le jeu était de mimer l'émotion 😤😍😊🥲

2) Parole empathique -> Suite à quoi le groupe demandait en concert "Oh tu as l'air vraiment en colère / triste / heureux" amenant de l 'empathie.

3) Exprimer la situation -> L'enfant pouvait alors dire avec ses mots (en inventant ou pas) "Oui je suis triste car on m'a tapé ce matin"

4) Demander le besoin -> Le groupe répondait "Tu es triste car on t'a tapé, qu'est-ce qu'on peut faire pour toi? / de quoi as-tu besoin ?"

5) Expression du besoin -> L'enfant pouvait répondre sincèrement "J'ai besoin de rester seul / d'un câlin / de parler à un adulte / d'un pardon".


En vrai, il faudrait idéalement reformuler par la suite pour être sur qu'on a bien compris.


Après ce jeu, nous avons expérimenté ce processus en action, en jouant des courtes scènettes, jouant des émotions différentes. L'objectif était que toute émotion soit OK, que les adultes créent du lien avec les enfants même malgré les émotions vécues. Je voulais que les éducateurs puissent vraiment reproduire ce processus au quotidien, sans que la CNV soit un processus lourd. Je voulais que ce soit intuitif, et je crois avoir réussi mon coup.


Enfin, nous avons debriefé de l'atelier, discuté de ce qu'on a besoin en exprimant telle ou telle émotion, et j'ai entendu plusieurs pépites :


- La sérénité ça sert à conserver ses énergies
- La tristesse, ça sert à se vider



Quels sont nos besoins ?


Il est très difficile de connaitre nos besoins : personne ne s'est intéressé à nos besoin lorsqu'on était enfant, alors souvent on sait pas répondre à cette question. Adulte, comme enfant, nous avons pourtant tous des besoins. Voici quelques exemples, avec une touche humoristique bien sûr :


  • Se sentir en sécurité :

    - "Maman j'ai peur"

    - "Mais non, il n'y a pas de raison !"

    - 😟 Mon besoin n'a pas été entendu, je dois ravaler mon émotion pour ne pas décevoir.


  • Grandir :

    - "Je veux jouer à GTA !"

    - "Mais c'est écrit -16, j'ai peur que tu ne sois pas prêt pour jouer un tel jeu"

    - 🙂‍↕️ Mon besoin a été entendu, mais je n'entends aucune proposition pour y répondre.


  • Apprendre :

    - "Comment le train il avance ?"

    - "Je t'expliquerais dès qu'on sera assis, mais d'abord dépêchons de rentrer dedans !"

    - 😌 Mon besoin a été entendu, je me réjouis


  • S'exprimer :

    - "Non, je veux pas aller au bain !"

    - "D'accord, on le fera demain..."

    - 😝 J'y échappe pour aujourd'hui, j'espère que demain elle aura oublié


  • Manger :

    - "J'ai faim, donne-moi un bonbon ..."

    - "J'entend que tu as faim, mais un bonbon ça ne nourrit pas, dès que je peux je te prépare un sandwich"

    - 😏 J'espère qu'il sera bon, en attendant j'ai encore faim...


  • Dormir :

    - "Allez, au dodo !"

    - "Non, je veux jouer !!!"

    - "Je vois que aimes beaucoup ce jeu, et tu sais, il sera encore là demain matin, promis je n'y touche pas. Je vais finir la vaisselle et je te couche, d'accord ? "

    - 😌 Je peux jouer encore un peu ! Et je sens qu'on prend soin de moi.


  • Célébrer la vie :

    - "Samedi c'est mon anniversaire !!!"

    - "Qu'est-ce que tu voudrais faire pour fêter ça?"

    - "Manger un grand gateau avec mes amis et faire des jeux !"

    - "D'accord, faisons les lettres d'invitation ensemble."

    - 🥰 Je me réjouis de samedi, et en plus je partage une activité avec papa / maman.


  • Appartenir à un groupe

    - "Maman, j'ai envie de cartes Pokemon"

    - "Tu en as déjà plein !"

    - "Les autres en ont encore plus !"

    - "Ce que tu veux dire, c'est que tu voudrais faire comme eux ?"

    - "Oui, en plus j'ai aucun rare !"

    - "Je comprends mieux, en fait tu voudrais être sûr de pouvoir jouer avec eux, c'est cela ?"

    - "Oui !"

    - "Et de faire partie de leur équipe ?"

    - "Oui !"

    - "Alors, je te propose qu'on aille dans un magasin, par contre on ne prend que 15 francs, et c'est toi qui décide ce qu'on achète, d'accord ?"

    - 🤩 Je peux décider, je fais partie d'un groupe, et je partages une activité avec maman / papa.


J'ai exagéré certains situations dans le but de montrer ce qu'est un dialogue empathique Adulte > Enfant (et avec de l'entrainement, il y aura aussi une empathie enfant > adulte, mais ce n'est pas forcément naturel). J'espère que vous ne serez pas vexés. Je ne désire pas stigmatiser ni juger, nous faisons de toute façon TOUS de notre mieux, mais cela ne nous empêche pas de nous améliorer XD


Pour mieux cibler nos besoins, et aider l'enfant à connaître les siens, j'ai créé cette carte des besoins, que vous pourrez télécharger ici :





Nicolas

 
 
 

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